Alléluia, le renouveau de l'endurance tant attendu est enfin arrivé !

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Après 5 longues années sans grand intérêt, le centenaire des 24H du Mans a tenu toutes ses promesses avec une course inoubliable. Enfin !

Ça fait maintenant un bon mois que les 24H du Mans sont terminées, il était grand temps que je fasse mon résumé pas du tout objectif.

Une épreuve très attendue

Si vous n’êtes pas au courant des enjeux de cette édition spéciale centenaire (les premières 24H du Mans eurent lieu en 1923), je vous invite à jeter un œil à mon précédent billet qui explique tout bien comme il faut. En gros, l’arrivée des nouveaux protagonistes (Ferrari, Porsche, Peugeot et Cadillac) promettait d’envoyer du pâté.

Résumé de la course

Attention: spoil !

Vous ne connaissez pas le résultat et voulez (re)vivre la course ? Alors arrêtez la lecture ici et revenez quand vous aurez rattrapé ces glorieuses 24H.

Un début tonitruant

Début de course sur les chapeaux de roues, où les concurrents imposent un rythme tel que Toyota a du mal à suivre. Fini pour eux de rouler coude à la fenêtre en alignant les victoires. Quel changement ! Quel bonheur ! Enfin des 24H avec du challenge !

Une Peugeot 9X8 prise en sandwich par deux Porsche 963

Une grosse averse vient rapidement jouer les trouble-fêtes, d’autant plus que la pluie ne tombe que sur une partie du circuit, encourageant certains à rester en pneus slick (lisses).

Ça ne se passera évidemment pas bien pour les optimistes qui sont restés en slick et la safety car calmera le jeu des glissades et autres figures de style. Je n’ai par contre pas bien compris pourquoi cette safety car est restée plus d’une heure alors que tout le monde était passé en pneus pluie. Pour attendre que la piste sèche ?

Anecdote amusante: les deux Peugeot 9X8 étaient étonnement à l’aise sous la pluie et le hasard des changements de pneus a voulu qu’une des deux Peugeot se retrouve en tête: sourires béats et incrédules dans le stand Peugeot. Ils n’y croyaient tellement pas qu’ils ont pris une photo souvenir du classement.

Ça commence mal pour Porsche

Porsche qui a débarqué en force au Mans avec pas moins de quatre 963, est en tête de la course avec la numéro 38 de l’équipe Jota (team privé).

La Porsche 963 numéro 38 de l'équipe Jota Hertz

Juste avant de boucler un tour supplémentaire, la 38 loupe un virage et tape violemment dans le mur endommageant très sérieusement la voiture. Elle arrive néanmoins à rentrer au stand, mais la très longue réparation fait s’envoler tout espoir de victoire.

Un peu plus tard, c’est la Porsche numéro 75 qui abandonne sur panne irréparable. Les espoirs de Porsche reposent désormais sur les 963 numéro 5 et 6.

La Porsche 963 usine numéro 75 dans la livrée spéciale pour le centenaire du Mans

Monsieur Roger Penske (86 ans, patron de l’écurie Porsche-Penske) est inquiet pour la suite.

Pour Cadillac ce n’est pas beaucoup mieux

Pendant ce temps chez Cadillac c’est un peu l’hécatombe: une des trois voitures engagées est victime d’un accrochage violent dès le premier tour, réduisant ses espoirs de victoire à néant. Plus tard, c’est le tour d’une Cadillac sœur d’être impliquée dans un autre accrochage.

La pluie fait une réapparition entraînant un “Full Course Yellow” (FCY): tout le monde est limité à 80 km/h sur l’entièreté du circuit.

Autre anecdote amusante: une des deux Peugeot fait un tête à queue toute seule comme une grande pendant le FCY et se retrouve dans le bac à graviers. Il faudra l’intervention de la grue pour la sortir de là. Les Peugeot ne sont peut-être pas si à l’aise que ça sous la pluie finalement ?

Nuit compliquée

La nuit est tombée sur le circuit de la Sarthe et avec elle son lot de problèmes pour beaucoup de malchanceux.

Le sort s’acharne sur Porsche: crevaison survenant en début de tour pour une des deux Porsche survivantes, impliquant un retour au stand à allure réduite sur plus de deux-tiers des 14 km du tracé.

Autre malheureux de la nuit: la Toyota numéro 7, victime collatérale d’un accident qui ne la concernait pas, s’immobilise sur le bord de la piste. Elle ne redémarrera pas: c’est l’abandon.

Panne sérieuse chez la Ferrari numéro 50 qui repart après une longue intervention au stand, la reléguant loin dans le classement alors qu’elle se battait pour la tête de la course.

À noter que les Glickenhaus font une très belle course: à la mi-course elle sont toujours en piste et devancent trois Porsche sur quatre. D’ailleurs à ce moment, il ne reste plus que trois voitures dans le même tour, avec Toyota en tête suivi par Ferrari et Cadillac. La meilleure Porsche est quatrième à plus d’un tour du leader qui augmente son avance sur ses poursuivants.

Au petit matin

Au terme de la nuit qui s’est déroulée au sec, le classement est le suivant:

  1. Toyota
  2. Ferrari (45 sec. derrière)
  3. Cadillac (1 min. et 32 sec. derrière la Ferrari)
  4. Porsche (4 min. derrière la Cadillac)

À ce stade je me dis que c’est plié, qu’on se dirige vers une sixième victoire consécutive de Toyota (méritée cette fois).

Mais contre toute attente, l’avance de Toyota fond comme neige au soleil, et Ferrari repasse devant pour prendre la tête, Toyota ayant même du mal à suivre la cadence.

Derrière, Kevin Estre au volant de la Porsche numéro 6 remonte sur les Cadillac le couteau entre les dents en attaquant comme un fou. Il se fait malheureusement toucher par une LMP2 qui l’envoie dans le décor ruinant tous ses efforts à néant: la voiture restera immobilisée trop longtemps au stand, la reléguant à la onzième place.

Roger Penske commence à douter.

Rebondissements en fin de course

Autre retournement de situation à cinq heures et demie de la fin: La Ferrari de tête n’arrive pas à redémarrer après son arrêt au stand et Toyota repasse devant avec quelques secondes d’avance. L’euphorie chez Toyota sera de courte durée car Ferrari récupérera sa première place à la régulière trois tours plus tard.

Un peu avant ça, la Porsche Jota 38 (celle qui avait heurté méchamment le mur en début de course) prend un virage un peu large, met une roue dans le gravier et perd le contrôle pour aller s’encaster dans le mur de pneus… Pendant ce temps, la Porsche numéro 6 (celle de K. Estre) rentre au stand pour un souci technique. Cette même voiture rentre encore au stand sur ennui mécanique à quatre heures de la fin…

Le vieux Roger est furieux.

En GTE AM

Un peu plus loin dans le classement, ça se bat très durement pour la tête de la catégorie GTE AM, où la Porsche 911 des Irons Dames (pilotes exclusivement féminins), la seule Corvette du plateau et l’Aston Martin de l’équipe ORT se livrent une bataille sans merci pour la tête de la catégorie GTE AM.

Le crash qui m’a le plus déçu est celui de la Porsche 911 numéro 911 (non, ce n’est pas une faute de frappe) de l’équipe “Proton Competition”. C’est Michael Fassbender qui était au volant au moment du crash et qui participait à sa deuxième course des 24H du Mans. Fassbender atteindra les stands mais la voiture est irréparable: c’est l’abandon.

La Porsche 911 numéro 911 quand elle était encore entière

Petite parenthèse: il existe une mini-série “made in Porsche” où l’on suit l’acteur Michael Fassbender faire ses débuts en compétition automobile chez Porsche. On pourrait croire qu’il joue la star et arrive en conquérant en faisant le malin, mais pas du tout: son parcours est une véritable leçon d’humilité. Ça s’appelle “Michael Fassbender: Road To Le Mans”, c’est très bien réalisé et je vous la recommande chaudement.

Retour sur la tête de course

A quatre heures de la fin, il ne reste plus que deux voitures dans le même tour: La Ferrari numéro 51 et la Toyota numéro 8 séparées par seulement 1,5 seconde. La Cadillac est toujours troisième mais à un tour. La Ferrari augmentera son avance tour après tour.

Vers une heure quarante de la fin, la Toyota à la poursuite de la Ferrari (11 secondes d’avance), loupe son freinage à Arnage et endommage légèrement l’avant et l’arrière: retour au stand obligatoire pour réparation. Mais ça ne changera rien au classement car la Cadillac numéro 2 était à plus d’un tour de la Toyota.

À une demi-heure de la fin, la Porsche numéro 5, seule survivante des quatre Porsche engagées avance au ralenti (80 km/h) depuis le milieu du circuit. Problème de transmission…

Le vieux Roger est résigné et fait la tronche.

Le vieux Roger fait la tronche (mais il paraît qu'il est comme ça tout le temps)

Résultat final

On a donc au classement général:

  1. Ferrari #51
  2. Toyota #8
  3. Cadillac #2
  4. Cadillac #3
  5. Ferrari #50
  6. Glickenhaus #708
  7. Glickenhaus #709
  8. Peugeot #93
  9. Porsche #5

La Ferrari victorieuse La Toyota numéro 8 La Cadillac numéro 2

Les 3 premiers de la classe GTE AM:

  1. Corvette #33
  2. Aston Martin #25
  3. Porsche #86

Promesses tenues

Grosso-modo, ma boule de cristal a plutôt bien marché:

  • ni Vanwall ni Glickenhaus n’ont gagné la course (Vanwall n’a pas fini). À noter tout de même l’excellente prestation des Glickenhaus qui terminent devant toutes les Porsche et les Peugeot
  • Peugeot a eu de gros problèmes de fiabilité, mais même sans ça ils roulaient moins vite que les autres
  • Cadillac fut un très sérieux candidat, tout comme Ferrari
  • Toyota était sous pression du début à la fin

Par contre, même si je m’attendais à ce que Porsche ne gagne pas, jamais je n’aurais imaginé une telle débâcle. Entre les soucis techniques, les coups de malchance et les sorties de piste, la meilleure Porsche termine neuvième à 13 tours du leader ! Un peu la honte quand on connaît leur palmarès au Mans…

Mais ce n’est pas ça le plus important, car malgré la déconfiture de Porsche on peut se réjouir de la tournure des événements. La course fut palpitante de la première à la dernière minute, avec du suspens, des retournements de situations, de l’action en piste, et la victoire flamboyante de Ferrari, qui après 48 ans d’absence au Mans bat Toyota à la loyale.

Je ne suis pas historien, mais je crois que tout le monde sera d’accord pour qualifier cette course d’historique.