Alastair Preacher explique pourquoi il est persuadé que les 24H du Nürburgring est la meilleure course d'endurance au monde. Oui, meilleure que celle de France.

Couverture pourquoi_les_24h_du_nurburgring_est_la_meilleure_course_au_monde

Le billet qui suit n’est pas de moi: il s’agit de la traduction de l’excellent article “Why the Nurburgring 24H is the best race in the world” du site drivecult.com).

Son auteur, Alastair Preacher, m’a gentiment accordé la permission de le traduire en français et de le publier sur miss300.be. Le lien vers l’article original est ici, mais il semble que le site rencontre des difficultés depuis quelques temps et l’article n’est plus en ligne. Vous pouvez toutefois le retrouver ici grâce au superbe projet The Internet Archive qui se propose d’archiver régulièrement tout Internet.

L’article date de 2012 mais est toujours d’actualité. Le texte original et les images restent la propriété de drivecult.com et d’Alastair Preacher.

Voici donc la traduction de l’article:

Il n’est pas très surprenant que le Nürburgring tienne une place particulière chez nous (drivecult.com). J’y suis allé personnellement en pèlerinage au moins une fois par an durant la dernière décennie et certaines années jusqu’à trois ou quatre fois.

J’ai conduit toute sorte de véhicules sur le Ring, depuis les petites sportives jusqu’aux Porsche et bien sûr ma Lotus Elise ainsi que ma BMW E30 préparée pour la course. J’ai même loué une excellente Suzuki Swift de “Rent 4 Ring” et me suis amusé en tant que passager dans les machines les plus sauvages et variées.

Je crois qu’on peut parler d’amour viscéral. Mais que dire de faire le voyage sans y rouler ? Même pas en tant que passager ? Serait-ce amusant de se rendre à la course juste pour le spectacle ou serait-ce l’équivalent de se rendre à Islay1 en se tenant à bonne distance du whisky ? Je ne m’y suis pas encore rendu lors des “Touristenfahrten” en m’abstenant d’y conduire mais je pense que ce serait aller trop loin !

Où pouvez-vous voir ce genre de vue ? Seulement au Nürburgring

Cependant, j’ai assisté ces deux dernières années au spectacle offert par la course des 24 heures. Et vous savez quoi ? J’ai adoré !

Cette course ne jouit pas d’une renommée aussi prestigieuse que celle du Mans mais elle dispose d’une immense base de fans (cette année la course a attiré plus de 230.000 personnes) et je pourrais me risquer à supposer que vous ayez entendu des histoires relatant à quel point c’est bien. Un de ses attraits est qu’elle est un peu plus ‘brute’ et moins ‘policée’ que Le Mans et c’est précisément ce qui la rend meilleure pour moi.

Mais quel est son attrait principal ? À part bien sûr 4 jours de course, de vastes quantités de bières allemandes, toutes les saucisses que vous pouvez manger et les rythmes germaniques… Je pense que c’est simple. Il y cinq différences qui la rendent unique à mes yeux:

Les voitures

Commençons avec l’évidence: les voitures. Des tas. La variété de marques courant pendant les 4 jours est phénoménale. Rien que la course ‘Young-Timer’ doit comporter à elle seule 20 ou 30 types de voitures différents; des Golf mk1 (faisant des manœuvres les plus osées que vous ayez vu pour bien se positionner au Karussell) aux côtés d’Alpine, d’Escort, d’Astra, de Jaguar, de 911 Classic et même de puissantes BMW M1.

Puis il y a les autres courses. Cette année a pu voir des GT britanniques (seulement sur la piste du Grand Prix) en présence de tellement de Nissan GT-R, d’Aston Martin et de Ferrari qu’il était impossible de les compter, sans oublier la course méchamment disputée des Clio / MINI qui précède un round de la Porsche Carrera World Cup qui est maintenant devenu un événement récurrent lors du week-end des 24H.

Cependant, l’attraction phare est évidemment la course complète des 24H du Nürburgring. Le nombre de visiteurs est un peu en baisse cette année, mais vous prendrez soin de noter que ce nombre est passé de 250.000 personnes en 2011 à “seulement” 190.000 en 2012. Mettons les choses en perspective: avec une longueur de circuit combinée de quasiment 25 km et les voitures positionnées dans 3 groupes décalés, les leaders rattrapent les retardataires à environ un tiers de la course.

Les 24H présentent une incroyable sélection de véhicules répartis dans 28 classes et 4 divisions.

Le haut du panier comprend des voitures exotiques comme l’Audi R8 LMS, la Porsche 997 GT3 R, la BMW Z3 GT3, la Mercedes SLS AMG GT3, l’Aston Marin V12 Zagato, la Lexus LFA ou la Nissan GT-R, bref: le meilleur des GT. Ensuite, les autres classes sont représentées par des Opel Astra, des Peugeot RCZ, des Mini Cooper, des VW Sirocco, des BMW M3, … Et ainsi de suite. Oh, et bien sûr la bien aimée (et présente pour toujours) Opel Manta GTE.

Pour la plupart, ce sont des machines que vous et moi pourrions acheter. Bon OK, il est peu probable que je m’achète une Audi R8 LMS dans un avenir proche, mais vous pouvez croiser des autos similaires sur les routes, lors d’un “trackday” ou encore dans une course de club local. En fait, c’est tellement accessible que certains de mes amis sont en train de préparer une BMW E46 M3 pour courir dans la série allemande VLN l’année prochaine et les 24H l’année d’après.

La course

C’est bien beau d’avoir un plateau très varié d’autos en compétition, mais c’est pour les voir rouler en procession… Heureusement, les 24H sont tout sauf ennuyeuses. Il y a des batailles pare-chocs contre pare-chocs et des dépassements téméraires / suicidaires depuis le feu vert jusqu’au drapeau à damiers 24 heures plus tard.

Cette année, on a assisté à une fin dramatique pour certains. Avec seulement une minute à parcourir avant la fin de la course, la 911 GT3 R de l’équipe Wochenspiegel Manthey a ralenti drastiquement peu avant la ligne d’arrivée parce que la franchir avant la durée réglementaire les aurait obligé à faire un tour complet supplémentaire et la voiture n’avait plus assez de carburant pour y parvenir à un rythme de course normal. Juste avant de franchir la ligne, le moteur cala et ne put être redémarré. Malheureusement, une Clio approchant rapidement n’a pas vu la 911 et la percuta de plein fouet. Ce qui signifie que la 911 Wochenspiegel n’a pas terminé son dernier tour et n’a donc même pas été classée !

Cet incident dans les dernières secondes de course est d’autant plus rageant pour l’équipe que leur voiture était classée sixième au général avant l’accident…

À part les péripéties du dernier tour, les 24H sont considérées comme la course ultime d’un pilote; pas le genre de chose qui essaie d’attirer le téléspectateur occasionnel en changeant de format. D’ailleurs, la couverture télévisuelle en dehors de l’Allemagne est exécrable, mais cela constitue une bonne raison d’aller y assister “en direct”.

L’action sur la piste est frénétique. Mettez 200 voitures sur le circuit le plus long et le plus difficile du monde, ajoutez une différence de performance entre les bolides à la limite de l’absurde - il y a presque 160 km/h de différence entre les plus rapides et les plus lents - ensuite, incorporez-y des accidents, des problèmes techniques, des véhicules lents sur la piste essayant d’en rattraper d’autres et vous obtenez la recette pour de l’action qu’aucune autre course ne peut offrir.

Vous trouverez ci-dessous quelques vidéos classiques en guise d’exemple de la folie de tout ça. Notez que toutes ne sont pas issues des 24H, certaines sont des courses VLN mais c’est globalement la même histoire…

Sean Edwards en 2011 sur le ring sous la pluie au départ de la Carrera Cup

Tour le plus rapide de nuit

C’est exactement comme ça que devrait être la course automobile: compétition féroce et action trépidante en permanence.

La piste

Intimement lié à la course, mais toutefois distinct: la piste.

Beaucoup de choses ont déjà été écrites concernant le Nürburgring et la manière dont il représente le nirvana du pilotage, mais ce qui est moins relaté est le fait que le ring est un endroit absolument magnifique, ce qui constitue un bonus supplémentaire pour le spectateur.

En fait, le titre de cette section devrait plutôt s’appeler “La piste et ses environs”, tellement la scène locale est impressionnante. Il y a un dénivelé inouï de 600 mètres sur un tour de circuit, offrant des changements d’altitude faramineux.

En cliquant sur ce lien, on voit le profil du circuit et on se rend compte de la pente vertigineuse aux endroits tels que Flugplatz, Fuchsröhre ou Hohe Acht, ou le nombre de crêtes entre Hohe Acht et Schwalbenschwanz. Rien à voir avec Snetterton2.

De manière amusante, ce qui fait de grandes conditions de pilotage profite également aux spectateurs. Les voitures voltigent sur des crêtes aveugles, déboulent vers des virages en dévers ou se plantent dans le décor juste en face de vous avec les épiques forêts allemandes en arrière-plan, bien que vous ayez souvent la possibilité d’un point de vue plus éloigné pour vous imprégner de tout ça.

Une McLaren MP4-12C GT3 accidentée Un point de vue éloigné derrière les arbres

L’accessibilité

Du monde sur la piste

La première fois que j’ai assisté à une course de VLN sur le ‘Ring’, j’ai été soufflé par l’accessibilité des voitures et des pilotes. Vous êtes autorisé à vous promener à travers les garages de la pitlane et sur la grille de départ jusqu’à ce que les voitures entament leur tour de formation. C’est quelque chose qu’on ne voit pas ailleurs. On pourrait penser que pour le jour de l’événement majeur des 24H du Nürburgring, il ne doit pas être possible de permettre ça pour 250.000 fans ? Et bien si.

Une heure avant que la course ne commence, la pitlane et la grille de départ sont remplis de spectateurs avides de s’approcher des voitures et de leurs pilotes. Cette année j’y ai croisé un représentant de Pirelli qui guidait un groupe de Britanniques venus en voyage d’affaires. Peu avant de le reconnaître j’ai percuté un mécanicien de ravitaillement qui essayait de faire de la place pour sortir une des ses voitures du garage ! Il s’est ensuite retrouvé bloqué sur la piste par une masse incroyable de fans déambulant parmi les voitures, discutant / harcelant les pilotes, prenant des photos et s’imprégnant de cette atmosphère fébrile.

Rappelez-vous, ceci n’est prévu que pour une heure et dure virtuellement jusqu’à ce que les voiture s’alignent pour le tour de formation. C’est proprement démentiel.

Que vous aimiez ou détestiez ça, je ne pense pas qu’il existe quelque chose d’équivalent ailleurs dans le monde de la course automobile.

Du monde sur la grille de départ Du monde dans la pitlane

Cette accessibilité inédite ne s’arrête pas là. Les abords de la piste du ‘Ring’ sont frappants, même sans “pass” de photographe de presse. Certains diront que l’accès y est un peu trop facile, au point d’être dangereux, mais je suis un grand fan de la mentalité allemande de la responsabilité personnelle. Beaucoup aiment piloter sur le circuit pendant les sessions “touristes”, et en tant que spectateur vous êtes là à vos risques et périls: il vous appartient de vous comporter de manière prudente et appropriée. Cette approche de la sécurité est vraiment rafraîchissante par rapport à ce qu’on a l’habitude de connaître en Grande Bretagne et aux États-Unis.

Ce qui signifie qu’avec peu d’efforts vous pouvez être extrêmement proches des voitures lorsqu’elles passent plein pot. Ce type d’accessibilité est possible à nombre d’endroits, mais mon endroit préféré, et de loin, est l’intérieur de Foxhole. La photo ci-dessous résume pour moi parfaitement les 24H: bières, sourires et voitures directement au cœur de l’action.

Au plus près de l'action, dans Foxhole

Les fans

Enfin, mais certainement pas des moindres, ce qui me fait ‘swinger’ plus que toutes les raisons mentionnées plus haut, ce sont les fans.

L’engagement, la détermination à la “cause” affichée par certains est franchement héroïque. Beaucoup de fans purs et durs se pressent déjà sur place une semaine complète avant la course et plusieurs jours avant que les portes ne s’ouvrent pour les véhicules. Ils apportent tout leur matériel aux meilleurs endroits, mettent en place le campement et se construisent toute sorte d’engins pour leur rendre la vie dans les bois plus supportable.

Ces micros logements (pas si micros que ça) construits par ces fans ne cessent de me stupéfier. C’est une sorte de Glastonbury3 aux stéroïdes. J’ai vu plusieurs solutions ingénieuses pour obtenir de l’eau chaude dans les douches, plusieurs campements ayant des installations sanitaires complètes, et beaucoup de gros projecteurs montrant la course (ou un peu de Gran Turismo). Il y a des échafaudages tout autour de la piste qui, au Royaume-Uni, requerraient un permis de bâtir. J’ai même assisté à un fan allemand équipé d’un seau de goudron en train d’étanchéifier le toit de sa construction. Un groupe de fans à Hatzenbach avait même un circuit électrique type Scalextric pour les moments ou la course sur la piste ne serait pas assez excitante.

Ceci a juste été construit pour la course. Notez l'antenne satellite !

Encore plus incongru fut l’obstacle rencontré dans le sous-bois au Kleine Karussell constitué uniquement par une foule immense regardant la finale de la Champions League sur un écran géant. J’y suis resté et j’ai assisté à la victoire de Chelsea sur pénalités. Ce fut une expérience pour le moins surréaliste !

Du petit bois et de la bière

On a la sensation que ceux qui s’y sont rendus une fois y retourneront pour toujours. Ils camperont chaque fois au même endroit, monteront leur campement avec une précision typiquement allemande à quelques pas de leur emplacement de l’année précédente.

Les deux occasions où je me suis rendu à la course, tout autour de la piste, les Allemands les plus fous étaient au même endroit, avec la même installation sanitaire, les mêmes reliques de transport issus de la seconde guerre mondiale garés bizarrement et le même entassement improbable de bouteilles de bière vides. Je vous garantis qu’ils seront là l’année suivante et celle d’après. Ils seront équipés de l’installation audio absolue diffusant la musique la plus variée et la plus étonnante jamais créée. Ils en seront indubitablement martelé 24 heures sur 24, faisant des concours de boissons à toute heure et en faisant tout leur possible pour renforcer le stéréotype que chaque Allemand aime les “Bratwurst”4.

Un écran géant pour regarder la télé, mais seulement si vous êtes une fille...

Cette atmosphère est contagieuse. Vous n’en faites pas partie intégrante, mais vous y êtes aspiré. Marcher à travers la forêt, voir, rencontrer et boire avec ces personnes rend vraiment cette course unique au monde. On aurait presque envie d’y participer sans la course !

Le fait que vous partagiez l’événement avec un tas d’esprits rebelles “orientés pétrole” est la cerise sur le gâteau. C’est comme des vacances masculines idéales de 5 jours avec de la bière et une course auto de classe mondiale qu’on vous propose gratuitement. C’est les vacances au ski pour les amateurs de sport auto et c’est un must pour tout dingue de bagnole qui se respecte.

Le seul problème est le suivant: une fois qu’on y est allé, on ne veut plus que ça s’arrête, on se donne donc pour mission de trouver les arguments auprès de sa moitié de l’impérieuse nécessité d’y retourner l’an prochain…

Pas moyen de voir l'action ? Construisez une tour pour vous sachiez


  1. Islay est une île écossaise renommée pour son whisky 

  2. Snetterton est un circuit situé en Angleterre. 

  3. Glastonbury est un des plus grands festivals de musique et d’art du spectacle du monde. 

  4. Saucisses grillées