Le Nürburgring à travers une personne et un virage

Rien de tel qu'une petite balade dominicale dans la nature... au Nürburgring !

Pour le sujet du mois, je vais me servir de ma récente balade au Ring comme prétexte pour évoquer deux éléments qui lui sont indissociables: une personne presque aussi mythique que le circuit, et un virage (parmi les 154).

Comme chaque année en septembre, le club911 organise sa balade traditionnelle dans l’Eifel. Cette année, la destination était le temple du sport auto: le Nürburgring.

Si vous voulez savoir ce qu’est le Nürburgring, ce qui le rend unique au monde et pourquoi vous devez y aller au moins une fois dans votre vie, je vous invite à lire mon billet précédent relatant ma visite éclair au ring et la traduction de l’excellent article de drivecult sur les 24H du Nürburgring.

La Reine du Nürburgring

Je ne m’étendrai pas sur les célèbrités ayant brillé sur ce circuit tant elles sont nombreuses, la littérature regorgeant d’ouvrages sur le sujet. La personne dont je vais vous parler n’apparaît pas dans les livres d’Histoire pourtant elle y a toute sa place.

Il s’agit de Sabine Schmitz, surnommée la “Reine du Nürburgring”. ¹

Née en 1969 à Adenau, elle fut attirée depuis toute petite par le circuit voisin. Elle fit son premier tour de circuit en vélo, puis plus tard en empruntant secrètement la voiture de sa mère alors qu’elle n’avait pas le permis.

Depuis, elle l’a parcouru un nombre incalculable de fois. D’après une estimation à la grosse louche, elle en aurait fait le tour environ 30.000 fois (~ 600.000 km). Même s’il n’existe pas de classement officiel, je crois qu’on peut dire sans trop se tromper que c’est de loin la personne ayant aligné le plus de tours.

Elle participa à de nombreuses courses au Nürburgring et fut la première femme de l’Histoire à remporter la victoire des 24H en 1996 et 1997. Aucune autre femme ne l’a fait depuis.

Bien sûr, elle exerça avec talent “taxi-women” du Ring pendant longtemps, où elle prenait plaisir à terroriser ses passagers par sa conduite spectaculaire. Beaucoup ont changé d’opinion sur leurs propres compétences de pilotage après un tour avec elle.

Elle fit aussi plusieurs apparitions à la télévision dans diverses émissions automobiles. Elle devint célèbre sur la scène internationale lors d’un épisode de Top Gear où elle coacha Jeremy Clarckson pour tenter de descendre en-desous la barre des 10 minutes au volant d’une Jaguar S-Type diesel. Elle devint co-présentatrice de l’émission à partir de 2016.

Je parle au passé, car Sabine Schmitz nous a malheureusement quitté trop tôt à l’âge de 51 ans en mars de cette année des suites d’un cancer.

Avec un tel parcours elle aurait pu attraper la “grosse tête”, mais non: elle a gardé les pieds sur terre, avait toujours le mot pour rire et ne refusait jamais un autographe.

Sabine Schmitz était le cœur et l’âme du circuit de l’Eifel.

Une pétition a circulé pour qu’un virage du Nürburgring porte son nom. Vus son engagement et sa passion pour le Ring qui l’ont caractérisée toute sa vie, cela me semble être le minimum.

Je crois que personne ne le mérite plus. Elle restera de cette manière intimement liée pour toujours à son circuit bien-aimé.

Le Karussell

Un peu d’histoire

Petit aparté historique: nous sommes en 1907 et l’empereur allemand de l’époque, Guillaume II, amateur de sports moteur, propose la construction d’un “circuit spécial”. Après tout, l’Allemagne est la seule grande nation européenne à ne pas disposer de circuit permanent, contrairement à la France, l’Italie ou l’Angleterre.

Évidemment, le souhait de l’empereur est exaucé. Il aura juste dû attendre la fin de la première guerre, le choix du lieu et la conception du tracé.

Les travaux commencent en 1925, près du petit village de Nürburg qui deviendra désormais mondialement célèbre. Le circuit sera achevé 2 ans plus tard.

Enfin, “achevé” est un bien grand mot puisque le Nürburgring avec son beau ruban d’asphalte n’existera qu’après la seconde guerre. Avant cela, les premières courses ont lieu sur une piste composée d’un mix de plaques de bétons, d’asphalte rudimentaire et de gravier.

La course organisée en guise de cérémonie d’ouverture du circuit en juin 1927 voit la victoire de Rudolf Caracciola, bouclant 12 tours à 96,5 km/h de moyenne au volant de la Mercedes-Benz S. Rien que cette année là, Caracciola remporta onze épreuves avec cette même Mercedes, développée par un certain Ferdinand Porsche.

Caracciola gagna tellement souvent sur ce circuit qu’on décide de donner son nom au virage le plus emblématique: le Karussell, qui s’appelle donc désormais le Karussell Caracciola.

Un peu de chiffres

Le Karussell est le virage le plus serré du tracé: c’est une courbe à 180°. Là, on peut vraiment parler d’un virage en épingle à cheveux.

Vous le trouverez aisément sur cette carte:

La particularité de ce virage est que le revêtement de l’intérieur est composé de dalles de béton inclinées vers le bas, ce qui permet aux pilotes de prendre le virage 30 ou 40 km/h plus vite que s’il était plat (ce qui est énorme), rendant tout dépassement par l’extérieur impossible.

Cette partie bétonnée (on dit aussi “banking”) a été réalisée en 1932. Avant il s’agissait d’un fossé fait de boue compacte, de béton ou les deux (l’Histoire ne le dit pas clairement) et c’est Caracciola (encore lui) qui réussit le premier en 1931 à franchir avec brio le virage en “profitant” de la partie inclinée du fossé.

Aujourd’hui, les pilotes pros le prennent à 95 km/h en seconde vitesse et subissent une force centrifuge de 2g.

Évidemment la transition entre les plaques de béton est tout sauf lisse: ça secoue dans tous les sens et tant les machines que les pilotes sont soumis à rude épreuve. Quand on sait qu’en course de 24 heures les leaders y passent environ 150 fois, on comprend aisément qu’il arrive que le matériel abdique…

Ce que j’ai vu sur place

Si vous désirez voir à quoi ressemble le Karussell en vrai, le bon plan c’est de se garer sur le parking de Brunchen (très facile à trouver) et de marcher un peu.

Le show commence déjà sur le parking, où on rencontre ce genre de curiosités:

Voici à quoi ressemble Brunchen (également connu sous le sobriquet du “youtube corner”) depuis les hauteurs:

En partant du parking à pieds et en longeant le circuit à contre-sens, on arrive à l’intérieur du Karussell-Caracciola au bout de 20 minutes de marche. Comme le chemin pour y arriver est en pente raide et accidentée (bonnes chaussures hautement recommandées), il y a peu de monde une fois sur place, ce qui permet d’avoir un bon poste d’observation (prévoyez une chaise de camping pour vous assoir, sinon c’est debout ou par terre).

Je ne m’étais jamais aventuré aussi loin du parking et ce n’est que comme ça qu’on se rend vraiment compte du dénivelé: ça monte et ça descend tout le temps ! Prenez par exemple le tronçon plus ou moins droit juste avant le Karussell que l’on peut voir sur de nombreuses vidéos. Et bien pour l’avoir longé à pieds, je peux vous garantir que ça monte vraiment très fort.

Voici un petit aperçu de ce qui est passé par là:

Des BMW

Des Porsches bien sûr:

Des engins plus exotiques:

Je vais me répêter mais ça ne fait rien: a-l-l-e-z - y.

Les routes désertes qui serpentent dans les bois pour arriver au circuit valent le déplacement à elles seules.

Voilà le type de route que vous arpenterez:

Et si vous trouvez que c’est trop long ou trop lent par les chemins “détournés”, il est aussi possible de s’y rendre via les belles autobahns.

Bref, plus aucune excuse pour ne pas y aller 😀.