Je me rends compte que les billets précédents parlaient beaucoup circuit. Cette fois pour changer, on va parler rallyes.

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Tout le monde sait que la 911 a brillé (et brille encore) sur les circuits. Ce qu’on sait moins, c’est que la neige, la terre, la boue, le sable ou le gravier sont tout autant des revêtements de prédilection pour la 911 que l’asphalte.

1963: naissance de la 911

En 1963, lorsque la 901 911 est dévoilée au public lors du salon de Francfort, les commentaires vont bon train: « C’est impossible, ça ne marchera jamais », « C’est vraiment n’importe quoi », « Ça va à l’encontre de tous les principes », etc…

Ces experts de la chose automobile parlent bien sûr de l’architecture de la 911 avec son fameux moteur en porte-à-faux arrière. Chez Porsche, on sait que la compétition fait vendre (et fait taire les “experts”). C’est donc tout naturellement qu’une 911 apparaît environ 1 an plus tard pour la première fois à une grande compétition automobile internationale: le rallye de Monte-Carlo. La préparation “spéciale” de cette 911 consiste en 2 paires de phares supplémentaires et une boite aux rapports plus courts.

Elle finira à la cinquième place.

1968 et 1969: victoire la 911 au rallye de Monte-Carlo

Trois ans plus tard, la 911 qui se présente à l’édition 1968 du rallye a 20 CV de plus (180 CV) et 50 kg de moins par rapport à celle de 1965. Et cette fois, elle termine première au classement général devant… une autre 911.

Porsche réédite cet exploit l’année d’après en hissant deux 911 aux deux premières places.

1969: victoire au rallye de Suède

Autre exploit à noter au rayon des rallyes hivernaux: la victoire au général d’une 911 au spectaculaire rallye de Suède.

Ce rallye se déroule sur 2700 kilomètres de routes forestières totalement enneigées. Par endroit, le parcours passe par des lits de rivière ou des lacs gelés. La température oscille entre -25° et -35°. L’un des problèmes le plus important (à part le chauffage évidemment), est celui du dégivrage car la poussière de neige se glace instantanément sur toute surface vitrée. La quasi totalité du parcours se fait en glissade à plus de 150 km/h.

1973: victoire à la Targa Florio

Changement de décor radical: après les paysages et routes enneigées, place à l’asphalte et au soleil de Sicile. Ici, l’ambiance est particulière, car la 911 est confrontée aux Ferrari Daytona, Lancia Stratos, De Tomaso Pantera et autres Alfa Romeo qui jouent à domicile. D’ailleurs durant la course, le public sicilien devient muet au passage de chaque 911.

Qu’importe, ce sera bien la Porsche 911 RSR qui remportera ce rallye en 1973.

La suite est moins fun: la course, jugée trop dangereuse, a définitivement disparu après l’édition de 1977.

Au final, c’est Porsche qui totalisera le plus grand nombre de victoires: 11 (avec d’autres modèles que la 911), juste devant Alfa Romeo et ses 10 victoires.

C’est en hommage à ce rallye que Porsche décide de nommer « Targa » certains modèles de sa gamme de 911.

1978: victoire au rallye de Monte-Carlo

Oui, encore… Mais cette victoire est remarquable à plus d’un titre.

Trois jours avant le départ, le pilote vainqueur de l’épreuve, Jean-Pierre Nicolas, n’a toujours pas de sponsor, donc pas de volant. Il signe finalement in-extremis avec les frères Alméras qui lui confient une 911 qu’il ne connaît pas car il n’en a jamais conduite…

Heureusement, il est habitué aux autos survireuses (Renault Alpine) et l’alchimie s’installe entre l’homme et la machine.

Jean-Pierre Nicolas se donne à fond et, assisté par une petite équipe créée pour la circonstance avec les moyens du bord composée de bénévoles, s’imposera au nez et à la barbe des équipes usine puissamment outillées et dotées de pilotes parmi les meilleurs au monde.

C’est la preuve qu’avec du talent et de la persévérance, il est possible d’accomplir des exploits.

Hormis la performance sportive de haut vol, cette victoire a une saveur toute particulière pour les fans de 911. Car en 1978, Porsche lance en grande pompe la création de Fuhrmann, la 928, censée remplacer la 911. Alors, après un tel coup d’éclat, comment justifier l’enterrement de la 911 ?

1984: victoire au Paris-Dakkar

Je terminerai mon petit tour des victoires de 911 en rallye par la 6e édition du rallye Paris-Dakkar de 1984.

Jacky Ickx, vainqueur de l’édition précédente au volant d’une Mercedes, obtient carte blanche de la part de Porsche pour préparer les trois 911 qui prendront le départ du rallye.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas fait les choses à moitié.

Non seulement, il a travaillé sur la transmission (en empruntant celle de la 959), mais aussi sur les suspensions, le renforcement de la caisse, l’allègement des portes, ailes et fenêtres, ou encore les pneumatiques avec des pneus spécialement conçus pour fonctionner à basse pression absorbant les chocs avant de les transmettre au chassis. Sans oublier le moteur qui devait supporter la mauvaise qualité de l’essence. La réplique a été de pouvoir changer le point d’allumage dans le but de retarder légèrement la détonation évitant les problèmes de cliquetis.

Puis il y aussi les nombreux essais qui ont mis à mal toute la mécanique permettant de valider les choix réalisés.

Pour Jacky Ickx, l’objectif était de mener les trois 911 au terme du rallye, ce qui devrait les approcher du podium. Sa place à l’arrivée était secondaire. L’équipage de Ickx termina sixième, c’est l’équipage constitué de René Metge et Dominique Lemoyne qui remporta le Paris-Dakkar.

La 911 a tout gagné

Alors messieurs les experts: la 911 avec son moteur en porte-à-faux arrière, “Impossible” ? “Ne marchera jamais” ?

Après toutes ces années auréolées d’innombrables succès dans à peu près toutes les disciplines automobiles, force est de constater que la 911 fonctionne. Et elle fonctionne tellement bien qu’elle est la seule dans l’histoire de l’automobile à avoir gagné à la fois les 24H du Mans, les 24H de Daytona, le rallye de Monte-Carlo et le Paris-Dakkar.

Joyeux anniversaire

Bien entendu, toutes ces belles victoires n’ont été possibles que par le travail, le génie et le talent des Hommes. Sans les ingénieurs, mécaniciens et pilotes, rien de tout ceci ne serait arrivé.

Et en parlant de pilote émérite, ce 23 mai 2020 Gérard Larousse a soufflé ses 80 bougies. Il était considéré par ses pairs comme le meilleur pilote français, aussi à l’aise sur circuit qu’en rallye. Il est approché par Porsche via l’intermédiaire de Vic Elford (avec qui il se lia d’amitié) en 1968 et termine second au volant de la 911 pour sa première participation au rallye de Monte-Carlo en 1969.

La même année, il remporta le tour de Corse en 911 R, mais aussi le « Rallye Neige de Glace » et le « Tour de France d’Automobile ». À cette époque, la 911 pesait 800 kg. Larousse avait mis au défi les mécaniciens de faire baisser ce poids en leur offrant une bouteille de champagne pour chaque kilo gagné. Au final, Larousse a piloté la 911 la plus légère de l’histoire, avec seulement 789 kg.

Il serait fastidieux d’énumérer tous les succès de Gérard Larousse. Retenez simplement qu’il a remporté notamment les 12 heures de Sebring sur la Porsche 917 en 1971 et les 1000 km du Nürburgring en Porsche 908 Spyder. En 1973 et 1974 il franchit le premier le drapeau à damiers au Mans à bord d’une Matra-Simca.

Bravo pour votre belle carrière et bon anniversaire, M. Larousse.

Gérard Larousse au départ d'une étape au rallye de Monte-Carlo de 1969 Gérard Larousse en action au rallye de Monte-Carlo de 1969 Gérard Larousse dans la Porsche 908 durant les 1000 km du Nürburgring Victoire au 1000 km du Nürburgring Sur les routes montagneuses de Corse De gauche à droite: Helmut Marko, Rudi Lins, Gijs van Lennep, Vic Elford, Gérard Larrousse à côté des 917 au Mans en 1970 La Porsche 917 en action aux 12 heures de Sebring pilotée par Gérard Larousse Gérard Larousse (à gauche) aux côtés de Vic Elford