Encore un progrès social à mettre au compte des écolos

Couverture autobahns_allemandes_R_I_P

Les écolos sont contents: ils ont eu la peau du dernier bastion de liberté sur route car la fin de la vitesse libre en Allemagne est proche…

Choc

Ce billet n’a rien à voir avec Porsche, mais ce qui se passe en Allemagne sous la pression des petits hommes verts (et, semble-t-il, dans l’indifférence générale) est préoccupant. Bien plus qu’il n’y paraît. Explications.

Il était une fois

Il était une fois une terre de liberté, où vous pouviez rouler sur autoroute aussi vite que votre véhicule le permettait.

Grand-mère s’écria: “Quoi ? Mais ce doit être très dangereux !”

— “Mais non mammy, regarde, les statistiques montrent qu’il n’y a pas plus de morts sur les autoroutes allemandes qu’ailleurs.”

— “Comment est-ce possible ?”

— “C’est simple: en Allemagne on présume que les conducteurs sont responsables. Qu’ils sont capables de souplesse et d’improvisation. Qu’ils sont attentifs à ce qui les entoure. Bref, qu’ils conduisent.”

Puis un jour, les moralisateurs en bicyclette ont débarqué avec leur grands sabots en piétinant allègrement la liberté de conduite.

Colère

Écologie vs liberté

Aucun aspect de sécurité n’est pour le coup invoqué par ces fossoyeurs puisque les statistiques leur sont défavorables. Non, l’objectif recherché de cette nouvelle mesure liberticide est bien entendu la sacro-sainte réduction des émissions de CO2 (#OnVaTousMourir).

Sauf que réduire la vitesse pour tout autre raison que la sécurité est irrecevable.

Admettons que la nouvelle limite soit fixée à 130 km/h. D’ici quelques années, ces mêmes moralisateurs se rendront compte que l’Allemagne n’arrive pas à atteindre ses objectifs en terme de réduction de CO2 et auront une solution toute trouvée: “Aller, on limite à 110 km/h, ça va le faire. Nous, de toute façon on s’en fout on roule à vélo.” Et dans moins de 10 ans, on se retrouvera tous en calèche.

Je précise au passage que “vitesse libre” ne veut pas dire “obligation de rouler à fond tout le temps”. Rien n’interdit celui qui est préoccupé par ses émissions de rouler à 130, 110 ou à la vitesse qu’il juge acceptable.

Écologie vs le reste du monde

Alors je sais que chez tout bon militant, afficher une hostilité primaire aux voitures (thermiques hein, les électriques vont sauver le monde) est un pré-requis pour l’adhésion au “concept” écolo.

Sauf que l’écologie, tout le monde s’en fout. À commencer par les écolos.

Quand vous en croiserez un, demandez-lui combien de smartphones il a déjà possédé. Demandez-lui aussi combien de fois il est parti en vacances en avion et s’il porte des vêtements de seconde main. Et s’il joue la vierge effarouchée, expliquez-lui que la quasi-totalité des objets qu’il achète sont fabriqués en Asie, continent qui projette de construire 600 nouvelles centrales électriques au charbon.

Je ne m’attarderai pas sur les crétins écervelés qui vandalisent des œuvres d’art pour “sauver la planète”. Rouler à 170 km/h sur les autobahns est égoïste et puéril, par contre détériorer des toiles de maîtres est un modèle de vertu.

Est-ce que ces ahuris qui veulent se passer complètement de pétrole savent qu’il devront vivre sans brosses à dents, sans crayons de couleurs, sans valve cardiaque, sans disque vynil, sans CD, sans baskets, sans cordes de guitare, sans lunettes de soleil, sans gilets de sauvetage, sans anesthésiques, sans vernis à ongle, sans prothèses, sans dentiers, sans shampoing, sans déodorants, sans rouges à lèvres, sans cannes à pêche, sans couvertures chauffantes, sans anti-moustique, sans toiture, sans parapluies, sans interrupteurs, sans anti-sceptiques ou encore sans lentilles de contact ?

Marchandage

Ce qu’on va perdre…

Outre le fait qu’un petit groupe de personnes impose sa vision du monde et son mode de vie au reste du pays, ce qui m’attriste le plus c’est le changement de paradigme qui en découle.

Je ne l’avais pas évoqué lors de mes billets précédents sur notre roadtrip en Allemagne, mais rouler en Allemagne n’est pas seulement dépaysant grâce aux endroits traversés ou à la qualité du bitume. C’est aussi parce que là-bas, on considère les automobilistes comme des adultes doués de raison, capable d’un minimum de discernement. Et ça change tout.

Ça change tout parce que ce respect envers les conducteurs, conjugué à une signalisation cohérente, fait naître une dynamique vertueuse: on sent qu’on nous fait confiance et on s’en montre digne en roulant à 30 km/h quand on nous le demande. Et puisque les conducteurs jouent le jeu, ils sont autorisés à rouler à la vitesse qu’ils veulent sur les portions d’autoroutes qui le permettent.

Ici en Belgique (mais je crois savoir que c’est pareil en France), c’est tout le contraire: on nous prend pour des débiles irresponsables qu’il faut punir à grands coups d’obstacles et de contrôle en tout genre. Ajoutez à cela des limitations de vitesse qui font office de tiroirs-caisses ou de machines à se faire (ré)élire, des aménagements de voirie qui semblent avoir été pensés uniquement pour agacer les automobilistes et vous obtenez un cocktail infâme, subtil mélange de frustration, ennui et privation.

… pour gagner combien en CO2 ? Pour gagner gros !

Je serais curieux de savoir comment ont été calculés les gains en CO2 apportés par la suppression de la vitesse libre. Un tel calcul impliquerait qu’on connaisse exactement le taux d’émission pour tout régime moteur (la vitesse importe peu: on peut émettre plus à 50 km/h qu’à 130 km/h) de tous les véhicules circulant sur les autoroutes allemandes, le tout en temps réel pendant une période suffisamment longue pour en tirer des données significatives.

Ce calcul est évidemment impossible à réaliser, on nage donc dans le flou le plus total (“on estime que…”, “on espère que…”). Personne ne sait exactement ce que cette perte de liberté pourrait apporter en “gains” d’émission, mais ça n’a aucune importance: ce qui compte c’est de taper une fois de plus sur la voiture.

Dépression et acceptation

Malgré tout ce qui précède, je ne suis pas encore arrivé à ce stade du deuil car il reste encore un espoir.

Déjà proposée en 2019 puis en 2020 avec, tenez-vous bien, possibilité pour les véhicules électriques de rouler sans limitation (magnifique !), la suppression de la vitesse illimitée sur autoroute avait été rejetée ces 2 fois par le Bundestag.

Il n’y a plus qu’à espérer que les sages du Bundestag la rejettent une troisième fois en montrant aux moralisateurs à bicyclette qu’on n’échange pas respect et liberté contre une vague promesse électorale.

En résumé

Je terminerai en citant un extrait tiré de l’excellent livre “Prendre la Route”, dont je recommande très vivement la lecture, du non moins excellent Matthew B. Crawford, philosophe mécanicien, qui résume parfaitement ce billet:

Technocrates et optimisateurs aspirent à réduire les risques au niveau zéro et, quand on veut se débarrasser des risques, il faut se débarrasser de la faillibilité humaine, et donc traiter les humains comme des idiots. Une hypothèse auto-réalisatrice qui tend effectivement à nous pousser à nous sentir de plus en plus stupides. En pareille perspective, conduire, c’est exercer notre aptitude à être libres, et je crois que c’est pour cela que nous aimons conduire.